Et toi ? Le handicap de ta sœur/de ton frère, tu l’as vécu comment ?

Sujet délicat, parce que l’on ne vit pas cela de la même manière. Enjeux divers et enrichissants dans une vie. J’avais envie d’aborder ce sujet car ça fait partie intégrante de ma vie. Tout le monde ne sera pas concerné et chacun a sa vision des choses, chacun le vit ou l’a vécu différemment mais j’avais juste envie de partager avec vous « la vision d’une sœur » qui vit le handicap mental au travers de sa sœur. Et cette grande sœur, c’est moi.

 

♥Les épreuves de la vie : grandir avec une sœur handicapée mentale

 

16 ans nous séparent. Sur le papier, je suis la petite sœur. Au quotidien, je suis la grande.

Je n’ai jamais pleuré, ni souffert de ça, jusqu’à ce que je vous écrive ces quelques lignes…j’ai un petit pincement au cœur. C’est fou, je crois qu’en posant des « mots », je me rends compte que ça fait surgir des « maux » enfouis…des choses que j’ai sûrement voulu occulter car écrire me demande énormément de réflexion et, de retracer tout mon passé pour y sortir une synthèse de ma vie, cela me fait me rendre compte que c’est très délicat et pas aussi simple que je l’avais imaginé…

Bon je me lance quand même hein ! Parce-que j’avais surtout des choses positives à vous partager. 16 ans d’écart, pourquoi ? Eh bien mes parents ont eu ma sœur à 21 ans. Et quand on t’annonce après un accident de naissance que ton premier enfant aura sûrement un retard mental ou plus, tu ne sais pas ce qui t’attend. Le retard s’est dévoilé plutôt vers les 6 mois et ça a demandé une énergie, un temps fou et une attention très particulière à mes parents. Du coup, le deuxième enfant n’était absolument pas à l’ordre du jour…Moi, j’étais un « autre » accident longtemps après et j’ai apporté ce soutien supplémentaire, je l’ai compris bien plus tard.

Quand ta sœur est handicapée mentale, l’attention est centrée sur elle, que tu le veuilles ou non. Je n’ai jamais eu de sentiments de jalousie car je savais qu’elle n’était pas comme tout le monde. Mais ce qui veut dire que tes envies passent après les siennes. Même sans le vouloir et même si j’ai eu toute l’attention de mes parents, ce n’est pas la même chose. Tu fais beaucoup de concessions car tu sens la réaction de tes parents vis à vis d’elle au quotidien.

Son retard mental se définit par une difficulté à s’exprimer (elle s’exprime quand même très bien), une difficulté à écrire et à lire, à avoir des ami(e)s et à tenir une discussion sensée. C’est comme un enfant entre 6 et 8 ans qui n’a jamais grandi. Physiquement, elle est « normale » outre le fait qu’elle fait des grimaces, comme des tocs et qu’elle s’enferme dans sa bulle de temps en temps avec des écouteurs et de la musique pour se parler à elle-même.

Je définirais son handicap comme 60% de normalité, 20% d’autisme, 10% enfantine et 10% de schizophrénie.

C’est un personnage étonnant, qui déborde d’affection, de bouderies, de chantages et surtout qui n’a aucune méchanceté ! Le plus triste en fait c’est qu’elle est consciente de son handicap, ce qui rajoute un poids supplémentaire : celui de ne pas être comme les autres car elle ne l’a pas choisi.

Mais c’est une épreuve et une expérience extrêmement enrichissante en tant que sœur de grandir dans ce quotidien.

♥Les expériences qui développent une sensibilité plus profonde

♣Le regard des autres. Vous savez comme les enfants ou les adultes peuvent être cruels… Le regard des autres te renvoit la réalité en pleine face. J’ai souvent eu des regards dans le métro quand j’étais avec elle et justement ces regards développent une force en toi, une sorte de protection face à la réalité de la vie. Ça vient très tôt car tu as cet instinct comme si on allait t’attaquer. T’es toujours sur le qui-vive. J’ai toujours voulu la protéger face à ça, face aux moqueries des autres et j’étais prête à me battre pour ça. Et je ne vous parle pas de ceux qui profitent des faiblesses des autres…il y en a…on l’a vécu, ils n’épargnent personne, ce n’est pas le monde des bisounours. On la protège de tout ça, même si je ne comprends pas la cruauté de certaines personnes.

♣La sensibilité et l’écoute. Oui, ça développe tout un tas de choses quand tu dois t’adapter à des bouderies, du chantage. Tu dois être beaucoup plus à l’écoute, beaucoup plus dans l’empathie et dans la compréhension sans aller trop loin et ne pas la gâter à la moindre demande pour tout et n’importe quoi. Tu dois juger très vite si c’est vital ou pas, si c’est un besoin nécessaire ou non avant que les pleurs arrivent et tu essayes toujours d’être loyal dans ta prise de décisions même si des fois tu foires.. tu cèdes…tu baisses les bras.

♣La patience. Oh que oui !  Elle est essentielle. Des exemples bidons mais quand tu arrives dans un magasin où il y a des escalators et qu’elle ne peut pas les prendre par peur et tu n’as pas d’escaliers directs, c’est des détails mais, soit tu prends 20 bonnes minutes à lui expliquer que tu vas la tenir, l’aider, que c’est court etc, soit tu renonces et tu pars. Ou bien quand tu vas chez le dentiste et qu’elle ne peut pas s’allonger sur cette chaise longue car elle a peur mais qu’elle doit absolument avoir des soins. Il faut d’une part avoir un professionnel en face de toi qui comprend, et malheureusement c’est pareil, ils perdent patience et souvent tu renonces et tu trouves un centre spécialisé…

♣L’amour. Quoiqu’on pense c’est ce qui est essentiel au quotidien. Ces enfants te montrent tout que par des « preuves d’amour ». La preuve matérielle ne compte pas et c’est une réelle leçon de vie. J’ai des messages au moins 5 fois par jour, elle écrit phonétiquement mais on la comprend.

« On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible à nos yeux »

Finalement, ça développe des qualités très profondes et une force incroyable pour se maîtriser. Ça ne te rend pas faible, ça te forge et te rend beaucoup plus fort.

♥Des êtres au capacités incroyables

Je ne sais pas si vous avez vu le film « Forrest Gump », ça me fait penser à ça. Il y a des trucs fous, comme par exemple, elle retient toutes les dates d’anniversaire des personnes qui nous entourent. Ou bien, quand elle fait des dessins, elle représente exactement les personnes comme elle les voit, aussi simple que cela puisse être mais tu les reconnais d’emblée. Elle dessine extrêmement bien. Il n’y a aucun superflu, tout est simple. C’est noir ou blanc. Pareil pour le repassage, elle le fait super bien ! Quand elle fait quelque chose, elle le fait avec minutie, patience et délicatesse. Et des fois elle s’attarde sur des détails de la nature que toi tu ne vois pas car tu es trop pris dans ton quotidien. Là, ça te mets sur « pause » et tu vois des détails que tu n’aurais peut-être jamais vus. C’est une sensibilité supplémentaire.

Pareil, les peu de fois où j’ai montré des faiblesses, elle le voit tout de suite, elle le ressent. Et, combien de fois elle a essayé de me rassurer à sa manière… 🙂

♥Du bonheur au quotidien

L’expérience d’une sœur ou d’un frère n’est pas la même que pour les parents. On ne vit pas les choses de la même manière. Le fait que je sois arrivée dans la vie de mes parents, de ma sœur, ça l’a poussée à mieux faire car j’étais, et je mets bien entre-guillemets, « normale ». Ça l’a poussée à essayer de faire mieux au quotidien car j’y arrivais plus facilement. D’ailleurs, mes parents ont donc beaucoup plus « misé sur moi », j’ai eu une petite forme de « pression » car il m’ont très vite inscrite au piano, à la natation, je devais exceller partout comme si je devais rattraper tout « pour deux ».

J’admire les parents d’enfants handicapés car leur travail de longue haleine est extrêmement reconnaissant. C’est plus qu’un boulot à plein temps, c’est des heures supplémentaires. Cela demande un investissement énorme et je souhaite encourager toutes les personnes dans cette situation. Je les respecte énormément.

Parfois, égoïstement, je me dis que j’aurais aimé avoir une sœur sur qui me reposer, à qui parler ou demander des conseils. Mais quand je vois autour de moi certains frères et sœurs  qui ne se parlent plus ou qui ne sont pas du tout complices, je me dis que j’ai de la chance de garder cette petite sœur à vie ♥ Il n’y aura jamais d’histoires, jamais de séparation, sauf la mort.

C’est un énorme travail que l’on fait avec le cœur et c’est aussi un bonheur au quotidien. Elle rit de tout, elle est détachée de tout et « tout est secondaire ». On relativise beaucoup sur notre quotidien…

Si vous me lisez, peut-être avez-vous vécu cela plus ou moins ? J’imagine que d’autres expériences sont plus délicates mais j’espère en tout cas vous avoir fait un peu voyager dans cette expérience de vie.

Et, si vous ne vivez pas ces choses-là au quotidien, j’espère vous avoir montré que l’on tire des leçons de tout dans la vie. Rien n’est simple, il faut parfois faire avec et voir le bon côté des choses. On apprend toujours.

« Chacun a son expérience ou son épreuve de la vie, et la mienne, c’est celle là ».

 

CONSEILS

Ce n’est pas facile de faire face au handicap d’un proche, les seuls conseils que je peux vous donner par rapport à mon expérience sont : 

1-De prendre le recul nécessaire face à certaines situations.

2-De vous faire aider par un psychologue-sophrologue.

3-De vivre dans un contexte équilibré (repères fixes, réguliers et rassurants).

4-Utiliser des mots simples et soyez en accord avec vos paroles et vos actes. Quand c’est non, c’est non.

5-Ne portez pas de jugement sur les angoisses et les phobies de vos enfants/sœur ou frère.

6-Choisir des objectifs simples à atteindre.

7-Accepter la lenteur et répéter calmement.

8-Eviter les reproches.

9-Valoriser chaque projets et féliciter.

10-Maintenir un lien de confiance.

Je vous souhaite du courage ♥

Je vous embrasse.

Marinouchka

5 Commentaires sur “Et toi ? Le handicap de ta sœur/de ton frère, tu l’as vécu comment ?

  1. La parenthèse psy says:

    Difficile de laisser un commentaire très constructif après ton témoignage qui m’a beaucoup intéressée. Je voulais juste te laisser un petit mot pour te dire merci, merci pour ce partage d’expérience et ton recul. J’accompagne dans mon travail pas mal de jeunes qui ont un frère ou une soeur malade et/ou ayant un handicap et ce n’est pas facile pour eux non plus effectivement. Entre rivalité, dévouement (voire oubli de soi), ou autre, tu as raison, chacun le vit à sa manière 🙂

    A bientôt,
    Line de https://la-parenthese-psy.com/

    • Marinouchka says:

      Merci beaucoup pour ton retour. J’ai fait un petit tour sur ton site et je le trouve très enrichissant. Je n’hésiterais pas à y revenir de temps en temps, j’aime beaucoup 🙂 A très bientôt ! Marinouchka

  2. olivier m says:

    Marina,
    On se connait depuis peu et surtout très peu finalement, et j’ai été très touche par ton article car j’ai moi aussi un frère handicape, un handicap qu’on qualifierait d’autisme déficitaire. Ses aidant sont mes parents comme les tiens, et je suppose qu’un jour je serai son aidant a mon tour.

    dans cette petite fratrie, je suis l’aine et nous avons 10 ans de différence, c’est durant ma jeune adolescence que nous avons repéré son handicap.

    je me suis beaucoup reconnu dans ce que tu as décrit. Surtout sur le regard des autres, des sensibilités et une empathie plus présente que chez des gens que l’on qualifierait de lambda.

    Ces dernières années, étant papa depuis 5 ans, c’est drôle de voir que ce que j’avais enfoui en moi était aussi remonte a la surface. Des craintes surement bêtes, mais certainement légitimes et en même temps j’ai acquis une force dut aux épreuves que nous avons du surmonter mes parents et moi. Mon fils a effectivement quelque retards, ces derniers ont soulevé des inquiétudes. Apres plusieurs investigations médical et psy rien n’a été détecté, mais nous restons vigilants, il va a son rythme.

    Quelque part mon frère m’avait préparé a être le plus serein possible pour mon fils et l’aider a avancer et le hisser plus haut que moi, c’est le rôle de tout parents.

    les choses se calme, il a 28 ans maintenant, toujours pas autonome, il a besoin de nous, et nous sommes la, nous souffrons moins, nous nous sommes serres les coudes.

    Enfin voila, je voulais partager ça avec toi. Longtemps j’ai voulu faire comme toi écrire sur ce sujet, mais par pudeur je n’ai jamais ose, mais j’ai aime te lire et si tu veux échanger avec moi sur ce sujet, sens toi libre de le faire mon attention sera toute tienne.

    Olivier M.

  3. Julie says:

    Bonjour. Merci pour ce joli article, maman d’une fratrie de 3 😋 dont l’aînée de 6 ans est handicapée. Cela me fait plaisir de lire des témoignages. C’est parfois difficile en tant que parents de ne pas perdre patience ou courage, et permettre à chacun de trouver sa place. Ne pas mettre la pression sur les 2 plus petits 😉 et ne pas avoir envie qu’ils se sentent avec un poids sur les épaules 😊 vivre le plus normalement possible 👌

    • Marinouchka says:

      Bonjour, merci pour ce retour. Nous nous sentons moins seul dans cette expérience de vie. Je peux comprendre et j’admire le courage et la patience que cela implique en tant que parents. J’ai une pensée pour vous. Je vous souhaite tout plein de courage ❤

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